La retraite des prêtres du diocèse de Nice s’est déroulée du 28 mars au 1er avril au sanctuaire Notre-Dame de Laghet. Mgr André Marceau vivait là sa dernière retraite avec les prêtres du diocèse de Nice. Sœur Emmanuelle Billoteau était la prédicatrice de cette retraite. Témoignage.
Avec les autres et le Tout-Autre, tel était l’intitulé de la retraite proposée aux prêtres du diocèse de Nice en cette année 2022. La thématique de l’altérité m’est venue à la suite de l’échange avec le père André-Jacques Astre, chargé d’organiser la rencontre. Il m’a dit combien la parole du Christ «aimez-vous les uns les autres» était structurante pour lui. Or, pour «aimer», il s’agit bien de s’inscrire dans une relation altérisée et altérisante. En outre, le sujet me semblait consonant au temps liturgique du carême orienté vers l’évènement pascal où Dieu se révèle tout particulièrement «Autre»:
«L’amour est un aimant, il m’attire vers Dieu,
Et bien plus grand exploit, lance Dieu vers la mort»
(Angelus Silesius, L’errant chérubinique).
Et cela, pour nous faire entrer dans la vie, dans Sa vie.
Le parcours était principalement biblique -la Bible lue, pour ce qui est de l’Ancien Testament, à la lumière de la tradition juive et de cette conviction énoncée par Henri Atlan: «Quand on regarde mieux [la Bible], on voit que le premier souci de l’enseignement biblique n’est pas celui de l’existence de Dieu, d’un théisme par rapport à un athéisme, mais plutôt d’une lutte contre l’idolâtrie. Or, il y a un danger d’idolâtrie dans tout théisme…» parce que l’expression fige si elle se présente comme un absolu, parce qu’elle a tendance à enfermer Dieu qui nous échappe toujours («Niveaux de signification et athéisme de l’écriture», Colloque des intellectuels juifs. La Bible au présent, données et débats).
Altérité de Dieu qui remet en cause les représentations que nous nous faisons de lui et altérité d’autrui qui ne devient une richesse et un défi de vie que dans la mesure où nous accueillons le mystère que nous sommes à nous-même, cet «autre» qui nous habite.
«Je ne sais qui je suis, je ne suis qui je sais…»
«Trouver ma fin ultime et mon commencement, c’est me fonder en Dieu et fonder Dieu en moi, devenir ce qu’il est: être un éclat dans l’éclat, une parole en la Parole…» (Angelus Silesius).
Pour moi, cet exercice de «prédication» d’une retraite à une assemblée de prêtres était une première, comme pour eux le fait d’inviter une femme. Consciente des enjeux, j’espère qu’ils ne le regrettent pas. Car il me semble important que nos «mondes» se rencontrent plus qu’ils ne le font d’ordinaire.