À Lantosque, la Journée mondiale des pauvres a donné lieu à une Table ouverte paroissiale, à l’initiative du Secours catholique. Cinquante personnes de la vallée de la Vésubie, ou venues de plus loin pour certaines, y ont participé.

«C’était super, génial», lance l’un des invités peu avant 16h; quelques mots, et un grand sourire, en guise de conclusion d’un repas aux mille saveurs: apéritif, embrassades, retrouvailles, couscous, rires, rencontres, pâtisseries orientales, café, contes, musique et chant… et mille tranches de vie partagées autour des cinq tables dressées dans la salle Gaglio, la salle polyvalente mise à disposition gracieusement par la commune. «Vous accomplissez un travail discret et efficace, bravo», saluait, au moment de l’accueil, le maire Jean Thaon, en conversation avec Danièle Claire, responsable bénévole de l’équipe de la Vésubie du Secours catholique.

Cette équipe, qui fêtera dix ans d’existence en février 2023, rayonne sur toute la vallée. Pour la Journée mondiale des pauvres, c’est tout naturellement qu’elle a souhaité organiser une «TOP», une Table ouverte paroissiale. «On en fait trois au maximum chaque année», précise Danièle Claire. Mais la dernière remontait à 2019, en raison de la situation sanitaire liée au Covid.

Pour cette reprise, quatre bénévoles se sont particulièrement mobilisées, Marie, Françoise et les deux Danièle. Elles ont invité des personnes, en difficultés ou isolées, que l’équipe accompagne ou a accompagnées (par exemple des victimes de la tempête Alex), des personnes qui participent aux actions de l’association; des paroissiens de Saint-Bernard-de-Menthon ont également répondu à l’invitation. «Vivez une belle expérience humaine, venez faire de nouvelles connaissances», mentionnait celle-ci sur les affiches.

Retrouvailles et rencontres

De Saint-Martin-Vésubie, Roquebillière, La-Bollène-Vésubie, Belvédère, Lantosque, Le Figaret, mais aussi de Vence, Nice, Lyon… Ce chaleureux moment a été l’occasion pour des familles de se réunir. Maria, quatre-vingt-dix ans fêtés en juillet dernier, était bien entourée: quatre de ses sept enfants étaient là, ainsi qu’un gendre et une belle-fille. Elle vit à Roquebillière, dans le quartier Plan Gast, un peu isolée. «Aujourd’hui, je vois du monde que j’ai déjà connu. On est allés à Lourdes. Ils sont tous gentils.»

Voici Jacques qui arrive en fauteuil roulant. Il réside dans un Ehpad, à Roquebillière. À ses côtés, sa fille et sa petite-fille venues de Nice pour assurer son transport. «Mon fiancé, s’exclame une invitée en l’apercevant. On s’était vu au théâtre Jean Gabin.» Les souvenirs effleurent une mémoire défaillante. «Le tout, c’est de bien vieillir», dit-elle. «Il faut faire avec», lui répond-t-il.

Autour d’une table, ont pris place les époux Raphaël et Geneviève, les voisins Daniel et Joëlle, Jean-Louis, Rachelle, Carmen, Danielle; ainsi que Françoise, de l’équipe du Secours catholique. Des personnes qui ne se connaissaient pas, ou peu pour certaines. Leurs yeux pétillent, blagues et jeux de mots ont épicé leurs échanges. Au milieu des éclats de rires, Rachelle, espiègle quelques instants auparavant, confie son isolement, ses difficultés à créer des liens dans le village où elle habite depuis cinq ans. Quant à Danielle, elle est venue pour voir du monde, s’éloigner des soucis quotidiens, le temps d’un repas, «me changer les idées».

Contes et musique

Après avoir applaudi les quatre mains de Lilu Gourmandises, chef à domicile à La-Bollène-Vésubie, pour le couscous cuisiné, une surprise a prolongé le dessert. Trois conteurs de la vallée – Alain Grinda, Joëlle Lesieux, Isabelle Bourdin et sa harpe – ont partagé leurs histoires. Tour à tour ont été convoqués un cordonnier, un tilleul, une mouche, un verre de vin, une grenouille, une couleuvre, un sanglier, un médecin, un meunier, un vase en terre «grand comme ça», sept grands-pères tels les sept villages de la Vésubie… Pour le bonheur des petits et des grands. L’histoire ne le dit pas, mais il est fort probable que d’aucuns, sur le chemin du retour, rêvaient de gagner la foire aux bestiaux en culotte courte ou d’une sieste à l’ombre d’un grand chêne.

Denis Jaubert