Le cardinal Jean-Marc Aveline a publié un ouvrage en septembre 2023, «Dieu a tant aimé le monde – Petite théologie de la mission» aux éditions du Cerf. Note de lecture du chanoine Jean-Louis Gazzaniga.
Un de mes maîtres à l’université, parmi les meilleurs, m’a donné ce conseil: «Méfiez-vous des petits livres!». Cette réflexion m’est revenue à l’esprit en achevant la lecture de celui que vient de publier le cardinal Aveline: 150 pages, trois courts chapitres avec un prologue, comme un hors-d’œuvre qui est la marque des grands repas. Un sous-titre modeste et tout est dit. En tout cas, tout ce qu’il faut savoir et retenir pour comprendre la mission de l’Église.
L’auteur se livre au lecteur pour signifier comment le jeune prêtre du diocèse de Marseille, très tôt professeur de séminaire, directeur d’un institut de théologie et devenu aujourd’hui son pasteur, s’est toujours intéressé à la mission de l’Église conçue, d’abord et avant tout, comme un dialogue. Il le doit à sa formation, aux différents évêques qu’il a servis et tout particulièrement le cardinal Coffy qu’il reconnaît comme son «maître». Il le doit aussi à une inclination naturelle et au tempérament méditerranéen des deux côtés de la Méditerranée.
L’ouvrage est né d’un colloque, organisé par les Missions étrangères de Paris en 2019, qui relevait en particulier cette exigence: «L’Église doit une nouvelle fois […] approfondir sa compréhension de la mission que Dieu a voulu lui confier» (p. 12). Mission conçue comme un «dialogue de salut»; le missionnaire est appelé à être témoin d’un Dieu qui a engagé avec l’humanité une «relation, une conversation». Par là même, la mission se vit de l’intérieur, le dialogue -l’exemple est celui engagé avec l’Islam- repose avant tout sur un climat d’accueil, de connaissance, de compréhension et, comme aimait le rappeler le pape Paul VI, «sur l’amitié et le service».
Deuxième trait majeur de la mission, la fidélité à la promesse du salut, la marche vers le Royaume. Il s’agit de l’engagement même de l’Église, sa raison d’être: «ce message en route vers les peuples» (J. Ratzinger, p. 109). C’est l’occasion d’un beau commentaire de Nostra aetate à la lumière de l’enseignement du magistère appliqué aux rapports avec le judaïsme.
Enfin, la mission est universelle, le salut que l’Église doit annoncer est offert à tous, il n’est pas lié à un pays, une culture, une civilisation. Cela exige d’elle une conversion, un «travail de décentrement», elle doit accepter de se laisser transformer. L’Église est catholique par sa nature, elle ne l’est pas par sa puissance, son prestige, ses succès et une espèce de prétention hégémonique qui l’habite souvent. Elle ne doit pas se laisser troubler par le nombre et encore moins succomber à sa fascination. «La catholicité ne se mesure pas à l’importance du nombre mais à la saveur du sel, au rayonnement de la lampe, à la fécondité du levain» (p. 129). Ou, pour le dire autrement avec le pape François, le risque n’est pas d’être peu nombreux mais d’être «insignifiants» (p. 156).
Ce «Petit traité de la mission» est l’œuvre d’un théologien mais aussi d’un pasteur. Toute vérité est mesurée à l’aune d’une pratique. Ce serait réduire ce livre que d’ignorer tout ce qu’il doit aux multiples expériences qui l’enrichissent, jusqu’aux plus modestes de la vie quotidienne… ce ne sont les moindres. Elles expriment mieux que de longs discours les quelques idées-forces qui traversent tout le livre. Et notamment celle-ci, que la mission exige plus de vertus que de compétences: l’humilité, la patience et, plus que tout, la charité. La mission se construit dans l’amour. Lui seul suffit.
Jean-Louis Gazzaniga