À l’occasion du synode diocésain (2007-2009), un livre «Témoins du Christ dans les Alpes-Maritimes» présenta 24 portraits d’hommes et de femmes, dans un temps proche de nous, qui ont rencontré le Christ et ont traduit au jour le jour, chacun à leur manière, cette rencontre d’amour. Un chapitre entier y fut consacré au père Christian Chessel.

Christian Chessel est né à Digne-les-Bains le 27 octobre 1958 et y est baptisé le 11 novembre de la même année, en la cathédrale Saint-Jérôme. Il y vit sa petite enfance, y suit sa scolarité primaire jusqu’au CE2. Il fait sa première communion en mai 1967. Le 1er mars 1968, la famille (Christian a un frère et une sœur) arrive à Antibes. Il y fait son cursus scolaire jusqu’au baccalauréat (1976): École Guynemer, Collège Roustan, Lycée Audiberti. Christian fait de très bonnes études secondaires.

Au catéchisme, il rencontre le père Yves Lombard, aumônier. Il fait sa profession de foi en juin 1970 à Notre-Dame de la Pinède à Juan-les-Pins. En 1972, en 4e, il lui fait part de son désir de devenir prêtre.
Après son baccalauréat, Christian pense toujours à une vocation sacerdotale. Ses parents l’incitent à préparer d’abord une école d’ingénieur. Il entre en 1976 à l’INSA de Lyon d’où il sort, en 1981, diplômé en génie civil et urbanisme. Dans le même temps, il passe plusieurs certificats de théologie à la Faculté de théologie de Lyon. En 1981, il commence une licence de Lettres Modernes, qu’il continuera par correspondance. Il la finit en 1983. En effet en 1981, il part faire son service militaire en coopération pour deux ans. Il enseigne les mathématiques à Toulépleu, en Côte d’Ivoire. En Afrique, Christian entre en contact avec la réalité de la vie des populations du Tiers Monde et y découvre le désir d’être au service des plus pauvres.

Il adresse une lettre à Mgr Saint Macary pour se présenter et demander à entrer au séminaire. Il y explique avoir suivi à Lyon des récollections pendant 4 ans, destinées aux jeunes pensant au ministère. «Ces récollections m’ont beaucoup apporté, tant pour ma foi que parce qu’elles m’ont donné un sens de l’Église que je n’avais pas auparavant.» Toujours à Lyon, il a découvert la vie communautaire et la prière quotidienne vécue ensemble au Centre Chrétien Universitaire. Dans cette lettre, il évoque son expérience en Afrique, la découverte «d’un autre monde, d’autres hommes et de l’universalité de l’Église». Il confie même déjà son questionnement pour la mission en Afrique. La démarche d’entrer au séminaire est pour lui «l’aboutissement de tout un itinéraire, qui n’a pas été sans chutes ni reculs, mais pour lequel je ne peux finalement que rendre grâce à Dieu».

De retour d’Afrique, il intègre le séminaire interdiocésain d’Avignon où, de 1983 à 1985, il suit le premier cycle. Son dossier scolaire est rempli de bonnes appréciations de ses professeurs : « Intelligence fine, travail assidu et très sérieux […] Excellent à tout point de vue […] Travail tout à fait maîtrisé […] On aimerait avoir beaucoup d’étudiants comme Christian ». Christian Chessel est toujours resté discret sur ses compétences et capacités, sans jamais chercher à se mettre en avant.

Dans un courrier adressé à Mgr Saint Macary en 1985, il écrit: «Ce que je retiens surtout de ces deux années est que le séminaire a été pour moi beaucoup plus qu’un lieu de formation par lequel il faudrait de toutes façons passer: il a été d’abord une communauté de vie, de travail et de prière, et une communauté vivante où ces trois aspects de la vie d’un séminariste ont pu s’épanouir». Il termine cette lettre par: «Ma plus grande joie sera d’être toute ma vie, si mon projet se confirme, un bon serviteur du Christ et de l’Église universelle à travers cette église d’Afrique, à la fois si proche et si loin de nous». Il exprime son désir profond d’être au service des pauvres parmi les pauvres. Il choisit donc d’entrer chez les Pères Blancs, missionnaires en Afrique.
Il part en Suisse, à Fribourg, suivre le 2e cycle des études sacerdotales. De 1986 à 1988, c’est encore la paix relative dans le pays. Il fait un stage de formation et d’adaptation à la vie missionnaire à Tizi Ouzou, en Algérie. Au retour, il est envoyé dans la banlieue de Londres au séminaire de Totteridge, pour deux ans de cycle de fin d’études en anglais. En 1991, il est envoyé à Rome pour suivre des études d’arabe à l’Institut Pontifical d’études arabes et d’islamologie (PISAI).

Le 26 novembre 1991, il s’engage la main tendue sur des feuillets de l’évangile retrouvés avec les restes des Pères Blancs assassinés en 1881 au Sahara alors qu’ils cherchaient à rejoindre l’Afrique noire. Le lendemain, il est ordonné diacre à la maison Mère des Pères Blancs à Rome par Mgr Tessier archevêque d’Alger. En 1992-1993, il finit ses études d’arabe à Rome. Entre temps, il est ordonné prêtre le 28 juin 1992 dans la cathédrale Sainte Réparate, par Mgr François Saint Maccary, en même temps qu’André-Jacques Astre, Éric Rebuffel et Benoît Parent.
Dans son homélie, l’évêque de Nice dira: «Ce qui fait le pasteur, ce n’est pas seulement une reconnaissance extérieure ou une fonction à exercer. Ce qui fait le pasteur, c’est son amour pour le Christ, qui invite à le suivre et à consacrer sa vie au service de tous les hommes qu’Il aime».

En septembre 1993, il part rejoindre la fraternité des Pères Blancs de Tizi Ouzou (Algérie). Christian approfondit sa réflexion sur la mission. Le cardinal Lavigerie, fondateur des Pères Blancs leur a dit «à aucun degré, je ne veux ni de la force, ni de la contrainte, ni de la séduction, pour amener les âmes à une foi dont la condition première est d’être libre». Christian prie et médite. La mission, notamment en monde arabo-musulman, est marquée par la faiblesse, constate-t-il.

Apparemment, tous les espoirs sont permis à cet ingénieur en génie civil, licencié en langues, doué pour les études, mais qui ne le fait pas paraître. Très vite, il est apprécié: s’oubliant lui-même, il se tourne vers chacun pour mieux l’écouter. On compte sur lui (et quelques autres) pour mettre en place un projet de bibliothèque universitaire. Ses frères et lui assurent le service des plus démunis. Aide sociale, morale ou matérielle auprès des nécessiteux et prière constituent leur quotidien. Christian respire la joie. Il a pu mettre en route le projet, si cher à son cœur, de construire une bibliothèque, destinée à tous les jeunes, filles et garçons, de Tizi Ouzou.

Mais la guerre civile sévit en Algérie, les Européens sont menacés, prêtres et religieuses sont assassinés dans la Casbah le 8 mai 1994. Alors, comme le dit Mgr Tessier: «Notre vocation aujourd’hui c’est de vivre avec le peuple cette étape difficile ». Et, comme ses frères, Christian tient à rester en Algérie, en Kabylie, à Tizi Ouzou, malgré le danger, sans demander de protection particulière. Les Pères se bornent à répondre, à leur entourage inquiet à leur propos, que s’ils sont tués ils le seront en martyrs de Dieu.
Quatre Pères Blancs, dont Christian, sont assassinés le 27 décembre 1994, dans la cour de leur maison, par des membres du Groupe islamique armé, déguisés en policiers. À l’époque, les réactions sont vives, les messages de soutien en provenance de partout (musulmans, juifs, chrétiens, autorités) nombreux.

Trois des pères (Jean Chevillard, Charles Deckers, Alain Dieulangard) ont été enterrés au cimetière chrétien de Tizi Ouzou le 31 décembre. Toute la ville était «ville morte» pendant deux heures pour marquer l’indignation de la population suite à cet assassinat. Au cours de la cérémonie, Mgr Tessier rend hommage aux quatre Pères Blancs venus semer et développer l’esprit de justice, de fraternité, et de bonheur. Un article du quotidien d’Alger du 28 décembre 1994 El Wattam raconte: «Les paroles de l’évêque sont interrompues à plusieurs reprises par des youyous de femmes et des applaudissements.» M. Redha Malek, ancien chef du gouvernement, dira: «Ces prêtres qui ne demandaient qu’à vivre pacifiquement leur foi en se mettant au service des plus démunis, ont forcé l’estime et l’amitié de la population. Se sachant menacés dans leur vie, ils ont poursuivi leurs tâches sans faiblir, partageant avec nous jusqu’au bout notre épreuve».

Enterrement de Christian Chessel, le 3 janvier 1195 à Villebois. Son cercueil fut notamment porté par les pères André-Jacques Astre, Jean-Louis Balsa, Benoît Parent, Éric Rebuffel.

Christian Chessel est enterré le mardi 3 janvier 1995 à Villebois (Ain), village de ses parents. Le père Deillon, provincial d’Algérie, dira lors de la cérémonie: «Christian, la mission d’Amour de Dieu et des hommes se poursuivra. Les applaudissements des hommes et les youyous des femmes de Kabylie l’ont montré, hier, au cimetière de Tizi Ouzou. Ils ont salué très bas votre entrée dans la vie éternelle, car ils savent quelle a été votre vie sur leur terre. Les anciens ont semé. Christian tu as arrosé. D’autres récolteront. La mission d’Amour continue

Christian Chessel (debout, troisième en partant de la gauche) avec les Pères Blancs.

Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs)

Fondés en 1868 à Alger par Mgr Lavigerie, alors archevêque de cette ville et futur cardinal, les Missionnaires d’Afrique ou Pères Blancs sont un institut essentiellement orienté vers la mission ad extra. Dès l’origine, le fondateur a formulé clairement les priorités qui définissaient son projet: constituer une société consacrée à l’évangélisation de l’Afrique, composée d’hommes de toutes nationalités et prêts à s’engager dans un style de vie marqué par l’esprit de famille et le travail en commun. Mgr Lavigerie précisait: «Soyez apôtres, ne soyez que cela ou tout au moins ne soyez rien que dans ce but-là». Être tout à tous «par le langage d’abord, par le vêtement, par la nourriture…» Un premier pas vers l’inculturation. Christianiser l’Afrique, non l’européaniser: importance de la tolérance et du respect des autres. «Visum pro martyrio (Vu comme un martyr): c’est en effet, mes biens aimés Fils, l’épreuve qui vous attend tous».