Plusieurs débats traversent de manière récurrente la société à propos de la fin de vie. Citoyens, parlementaires, associations, soignants, intellectuels… discutent de la possibilité, ou non, d’une évolution du droit, les lois actuelles ne prévoyant pas la délivrance d’une aide active à mourir.
L’Avis du CCNE (Comité consultatif national d’éthique) est un plaidoyer pour les soins palliatifs. Il exprime avec finesse et justesse ces soins «essentiels» à la médecine. Il dénonce les faiblesses de leur mise en œuvre en France, malgré les lois qui les promeuvent comme un droit pour chaque citoyen. Il appelle vigoureusement à un effort de l’État pour que se diffuse partout la «culture palliative» en notre pays. Grâce au CCNE, cet effort et son caractère impératif seront-ils enfin pris au sérieux par nos dirigeants?
Vouloir développer «en même temps» les soins palliatifs et l’aide active à mourir, c’est à la fois favoriser l’expression des désirs individuels d’une mort immédiate, et promouvoir le soin par l’écoute et l’accompagnement de la vie, aussi fragile soit-elle. En définitive, c’est décider de faire peser sur tous le choix cornélien de mourir ou de vivre! Dans leur écrasante majorité, les médecins des soins palliatifs dénoncent la contradiction entre le soulagement qu’ils savent offrir et la proposition de donner la mort, proposition que les patients seront obligés d’envisager.
L’Avis du CCNE jette du brouillard sur la réflexion. Il utilise le même mot «fraternité» pour qualifier à la fois l’aide active à mourir et l’accompagnement par les soins palliatifs. Mais comment appeler fraternel le geste qui donne la mort à son frère qui la demanderait? Ce n’est pas dans le brouillard qu’on discerne le projet de société à édifier! Soit nous choisissons une société des désirs individuels qui s’imposent à tous, y compris au corps médical. Soit nous souhaitons une société de la fraternité grâce à laquelle les personnes les plus vulnérables sont collectivement entourées de considération et accompagnées par le soin.
Pourquoi l’Avis du CCNE ne pose-t-il pas dans le débat la longue tradition éthique issue du «tu ne tueras pas», qui fonde notre civilisation et qui donne de la clarté pour penser notre responsabilité collective face à la question si complexe de la fin de vie?
Mgr Pierre d’Ornellas,
archevêque de Rennes,
responsable du groupe de travail «bioéthique» au sein de la Conférence des évêques de France
Publié le 14 septembre 2022