À Antibes, les festivités en hommage à la Vierge se sont tenues du jeudi 7 au dimanche 10 juillet 2022, après deux ans de report. Le dimanche, la procession depuis la cathédrale jusqu’au sanctuaire Notre-Dame de Bon-Port à la Garoupe a été marquée par une dernière:  Alain Borsotto et Sébastien Frisina, porteurs emblématiques, ont tiré leur révérence.

Procession antibes

La première montée du Calvaire? Oh, Alain Borsotto s’en souvient… « J’avais vingt ans. Je l’avais fait parce que ma filleule de quatre ans avait été opérée du cœur. Je voulais prier pour elle… Et ça a marché. »

Son regard attendri se pose sur Notre-Dame de Bon-Port, à l’ombre des pins du sanctuaire de la Garoupe, juste après l’arrivée de la procession.

C’est cette Vierge qui porte l’Enfant Jésus dans ses bras, protectrice des marins, qu’Alain « n’a jamais lâchée ». Des dimanches comme hier, il en a vécu cinquante. Cinquante années à descendre et remonter Notre-Dame de la chapelle à la cathédrale d’Antibes le premier jeudi et dimanche de juillet. Une statue de 90kg environ, hissée sur les épaules de 10 marins de la corporation.

« Le plus dur, ce sont les pieds nus sur le sol quand on arrive dans le chemin du Calvaire et le poids sur les épaules. Certains porteurs ont parfois demandé des coussins pour amortir le poids, mais non, c’est interdit. Seul notre tricot traditionnel protège notre peau. » De toute façon, pour y arriver, plus que la force, « il faut avoir la foi. »

Dans la grande histoire, la procession existe depuis le XVIe siècle pour remercier la Vierge d’avoir fait cesser l’épidémie de peste bubonique. Ça, c’est pour le contexte. Mais à l’intérieur du cortège, chaque âme est ici pour une raison particulière. « Moi, quand je marche, je prie pour ma famille, pour mes amis… C’est un moment très intime, aussi », soulève Alain qui tire donc sa révérence après des années à la présidence de la corporation.

Alain Borsotto

Source: Émilie Moulin et Sébastien Botella, Nice-Matin

Procession Notre-Dame de Bon-Port

Il n’est pas le seul à partir. Après 30 ans de portage, la page se tourne aussi pour Sébastien Frisina, qui s’envole pour des horizons… Divins. « Je suis en formation pour devenir prêtre alors je ne pourrai plus assurer mes fonctions », annonce-t-il.

Une page qui se tourne, donc, pour ce descendant de famille de pêcheurs et dont l’arrière-grand-père fabriquait des pointus en bois.

Alors, avant le début de la messe en plein air, Sébastien Frisina a symboliquement retiré sa vareuse pour la remettre aux pieds de la Vierge.

Un au revoir émouvant, pour se dire une dernière fois, le souffle haletant et les épaules rougies:« On l’a encore montée. »

Sebastien FrisinaSébastien Frisina, bientôt prêtre

Le mot du père Paul Chalard, curé (newsletter de la paroisse Saint-Armentaire du 13 juillet)


Les fêtes de Notre-Dame de Bon-Port sont l’expression de la piété populaire qui vient irriguer -en ces temps de « sécheresses »- la vie de la paroisse Saint-Armentaire.

C’est ainsi que Marie quittait son sanctuaire, jeudi 7 juillet au point du jour, portée à bras et sur les épaules d’hommes pieds nus sur le chemin du Calvaire. Marcher ensemble -cette synodalité par laquelle passe la vie de l’Église- est toujours un défi; relevé là, par les porteurs de Notre-Dame de Bon-Port! Ils ne marchent pas seuls nos porteurs, ils sont portés par ce qui leur a été transmis et qu’à leur tour ils vont transmettre. Ils font du chemin nos porteurs: Sébastien répond à l’appel à devenir prêtre, Christopher a célébré sa confirmation… Cette marche aller et retour fait « avancer », les compliments nous réveillent, tambour et trompette donnent la cadence, allons de l’avant! Avec les porteurs de Notre-Dame, je découvre que la foi passe par nos 5 sens et là il faut se méfier d’hypertrophies qui favoriseraient l’un de nos sens. (*)

Ce rendez-vous annuel des fêtes de Notre-Dame de Bon-Port interpelle la foi chrétienne des antibois. Une foi qu’il faut sans cesse évangéliser bien sûr. Prêtres et diacres sont là pour cela. Ils marchent, eux aussi dès les premières heures du jour, et sentent la « bonne odeur » des brebis du troupeau! C’est à Bon-Port qu’il faut arriver. La foi populaire, au cours des fêtes de Notre-Dame de Bon-Port, invite à l’Espérance! La foi au Christ n’est pas morte à Antibes. Et ce dimanche nous avions de belles assemblées dans les églises d’Antibes Juan-les-Pins.

Au cours des veillées de prière, dès jeudi soir -à travers de simples rencontres- des retrouvailles exprimaient une même foi au Christ, portée par les accents d’une piété mariale forte d’une ferveur sincère; avec cela il y a les couplets du chant des Mariniers, qui campent toute une ville dans ce qui la constitue.

Dans son très récent Motu Proprio « Desiderio Desideravi« , le pape François fait une mise en garde contre « la mondanité spirituelle » (*) qui va à contrario de la piété populaire dans sa simplicité, dans sa spontanéité, dans sa fraicheur parfois un peu naïve. « Notre-Dame de Bon-port… Soyez notre ancre maîtresse, Aidez notre faible effort, Et donnez-nous quelque adresse, Pour nous guider vers le port  » (Chant des Mariniers, Extrait).

(*) « 17. J’ai mis en garde à plusieurs reprises contre une tentation dangereuse pour la vie de l’Église, la « mondanité spirituelle»: j’en ai longuement parlé dans l’Exhortation Evangelii gaudium (n° 93-97), en identifiant le gnosticisme et le néo-pélagianisme comme les deux modes reliés entre eux qui alimentent cette mondanité spirituelle. Le premier réduit la foi chrétienne à un subjectivisme qui enferme l’individu «dans l’immanence de sa propre raison ou de ses propres sentiments» (Evangelii gaudium, n. 94).

Le second annule la valeur de la grâce pour ne compter que sur ses propres forces, donnant lieu à «un élitisme narcissique et autoritaire où, au lieu d’évangéliser, on analyse et on classe les autres, et au lieu de faciliter l’accès à la grâce, on consomme de l’énergie à contrôler» (Evangelii gaudium, n. 94).

Ces formes déformées de christianisme peuvent avoir des conséquences désastreuses pour la vie de l’Église. » (Pape François – Desiderio Desideravi)