Lundi 3 avril 2023, Lundi saint, le presbyterium du diocèse de Nice s’est rassemblé au sanctuaire Notre-Dame de Laghet, à La Trinité. Plus de cent prêtres ont répondu à l’invitation de leur évêque, Mgr Jean-Philippe Nault, pour ce temps d’amitié, de prière et de travail. Étaient aussi présents les séminaristes du diocèse. Avec le frère dominicain Benoît-Dominique de La Soujeole, ecclésiologue, l’enseignement et la réflexion du jour ont porté sur «Presbyterium et Communion». Tous ont rejoint en fin de journée la cathédrale Sainte-Réparate, dans le Vieux-Nice, pour concélébrer la messe chrismale. Photos: Père Didier Dubray et Denis Jaubert.

Sur l’esplanade du sanctuaire diocésain, la journée a commencé autour d’un café ou d’un thé, accompagné de viennoiseries; l’occasion pour les confrères d’échanger des nouvelles. La proximité a ensuite été au cœur du temps de prière, dans la chapelle; le père François Banvillet, membre de l’équipe de formation des prêtres, a fait part des quatre proximités -quatre piliers constitutifs de la vie sacerdotale- selon le pape François: proximité avec Dieu, proximité avec l’évêque, proximité au sein du presbyterium, proximité avec le peuple de Dieu.

Les étapes suivantes du programme: intervention du frère de La Soujeole ; échange en grand groupe; déjeuner; réflexion en petits groupes; seconde prise de parole de l’intervenant; échange en grand groupe. Comme l’a précisé Mgr Nault, «la question du presbyterium a été et continue d’être travaillée par le conseil presbytéral.» D’où l’invitation du frère de La Soujeole, dans cet élan diocésain, à venir parler de la communion liée au presbyterium. Le prieur provincial de la Province de Suisse -élu le 2 janvier 2023- a notamment abordé la vie commune du clergé diocésain. Rencontre à la mi-journée.

Communion, vie commune: pourquoi insister sur ce thème auprès d’un presbyterium?
«C’est un défi à l’heure actuelle pour les prêtres diocésains qui, parce qu’ils sont moins nombreux qu’avant, vivent plus isolés, très pris par la charge pastorale. Alors que la logique profonde de la vie chrétienne, en général, c’est toujours la vie commune. Qu’elle soit familiale pour les gens mariés, religieuse pour les religieux et religieuses qui vivent en communauté, il y a toujours un “être ensemble”. Or, c’est ça qui peut être fragilisé dans le clergé diocésain en raison du nombre de prêtres qui baisse et de leurs tâches qui augmentent. Alors, remettre au centre cette vie commune, c’est important; parce que la raison d’être de la vie commune, quel que soit l’état de vie où l’on est, c’est l’école de la charité. C’est-à-dire que c’est là où on apprend à aimer: à aimer concrètement celui qui est à côté. Cette logique-là, de l’école de la charité qu’est la vie commune, il faut trouver un moyen de l’honorer dans le clergé diocésain.»

Pour parler de «celui qui est à côté», vous avez employé le terme «proximus».
«Littéralement, ce n’est pas “le proche”, c’est “le plus proche”, celui qui est à côté de moi. Pour un prêtre diocésain, c’est son confrère. Alors qu’on pense immédiatement au peuple de Dieu auquel il est envoyé, et c’est vrai, mais à partir d’une identité qui est enracinée dans le baptême, qui est d’être frère.»

Quand vous venez, comme aujourd’hui, au milieu d’un groupe, d’une communauté, une de vos habitudes est d’observer. C’est-à-dire?
«C’est d’observer les relations humaines ; et on voit vite si la communauté, par exemple, est divisée, s’il y a des difficultés, la manière de s’adresser à l’autre, etc. Samedi après-midi, je suis arrivé de Suisse pour loger chez mes frères du couvent des dominicains de Nice et j’ai eu la même attitude. Et ce matin, au café, je n’ai pas pu m’empêcher d’observer, non pas d’un regard inquisiteur mais pour prendre la température. J’ai vu beaucoup de bienveillance entre les prêtres. Vous avez des prêtres qui sont en soutane, d’autres en civil, absolument non reconnaissables comme prêtres; il y a trente ou quarante ans, c’étaient des divisions très profondes dans le clergé. Là, au contraire, je vois que tout le monde communique, se salue, se demande des nouvelles, quelle que soit la tenue vestimentaire qui peut tout à fait dire une sensibilité différente. En général, par sa manière de se présenter, on dit un peu qui on est. Mais, ce matin, la communication bienveillante existait, ça s’appelle la charité.»

Vous avez choisi des textes pour le temps d’échange en petits groupes. Qu’espérez-vous qu’ils permettent?
«Je les ai choisis d’abord parce que le concile Vatican II lui-même nous les donne. Comme je l’ai dit ce matin, un concile met à peu près cent ans à rentrer dans la vie quotidienne du peuple de Dieu. Nous en sommes à soixante ans; il y a encore quarante ans devant nous. C’est-à-dire que la génération qui me suit va faire rentrer vraiment ce grand souffle dans l’Église. Ce sur quoi j’ai fondé mon ministère -tant à l’université, quand j’enseignais à la faculté de théologie de Fribourg, que dans les prédications que je fais à l’extérieur- c’est de communiquer, de transmettre l’apport de Vatican II qui est la boussole pour notre époque. J’ai donc choisi les textes de Vatican II en fonction de ça. Et j’ai choisi ceux qui parlent non pas du ministère des prêtres -c’est-à-dire ce qu’il faut que les prêtres accomplissent parce qu’ils sont prêtres- mais de ce que les prêtres sont, de leur forme de vie: ce qui façonne en eux l’ouvrier qu’il faut qu’ils soient pour le royaume de Dieu. C’est l’être avant l’agir, parce que c’est l’être qui porte l’agir. C’est remettre l’être comme source et fondement de l’agir. Il ne faut pas que l’agir soit déconnecté d’une forme de vie. Celle-ci sculpte l’être de la personne, profondément.»

Denis Jaubert