Article issu du magazine diocésain Église des Alpes-Maritimes, numéro 125, publié en octobre 2024.
Depuis le 18 mai 2024, Julien Martines est l’un des nouveaux visages du diaconat permanent dans le diocèse de Nice. Ce dimanche-là, en la cathédrale Sainte-Réparate, Éric Rebroin et lui ont été ordonnés diacres. Mgr Nault les a nommés membres de l’aumônerie de la maison d’arrêt de Grasse. Julien, 50 ans, agent immobilier d’entreprise, et son épouse Karen, 46 ans, auxiliaire de puériculture, sont les parents d’Ambre, 22 ans, et Romain,13 ans. Ils habitent à Saint-Laurent-du-Var où Julien a toujours vécu.
Une «incompréhension». C’est ce qu’a ressenti Julien Martines en 2015, quand le père André Castro, curé de la paroisse Saint-Laurent, leur demande, à Karen et lui, de réfléchir au diaconat permanent. «Ça faisait seulement quatre ans qu’on fréquentait l’Église.» Un monde dont il était, jusque-là, très éloigné. «Chez mes grands-parents, il y avait une croix ou deux ; mon père porte une croix autour du cou et je suis baptisé parce que c’est la tradition. Mais personne ne m’a jamais parlé de Jésus à la maison.» Il a grandi avec d’autres figures, d’autres passions. «Je suis né dans un stade de foot. Petit, je dormais avec mes crampons, avec mon ballon. Les murs de ma chambre étaient tapissés de posters de Platini et de l’OGC Nice. Il n’y avait que ça qui comptait… ça et les filles.»
Le stade du Ray rythme ses week-ends. «J’étais abonné dans une tribune ‘ultras’, la Brigade sud ; j’aimais bien quand c’était un peu chaud, qu’il y avait de l’ambiance. Donc j’étais loin de tout ça.» À mille lieues de l’Église, encore plus du diaconat. «Comme quoi les chemins de Dieu ne sont pas ceux des hommes !» Pendant longtemps, pour Julien, l’Église – l’église – se résume aux enterrements, mariages et baptêmes. «Mais j’ai toujours respecté le lieu, et surtout l’institution. Et je m’y suis toujours senti très bien. Quel que soit l’endroit où on était en vacances, il fallait que j’entre dans une église pour y mettre un cierge, faire une prière. Ça s’arrêtait là.» Et si Karen et lui s’y marient en juillet 2001 – «sans grande conviction» –, il confie avoir «subi la préparation au mariage».
Sacrés enfants
La venue au monde d’Ambre puis de Romain fait cheminer Karen et Julien vers le Seigneur. Pas à pas. Si leurs enfants ont été baptisés, eux aussi par tradition, le premier virage vient de questions sur Dieu posées par Ambre vers l’âge de 7 ans. Et, par conséquent, son inscription au catéchisme. Puis, quand le benjamin naît, Julien se montre «plus attentif à la préparation au baptême». Le tournant suivant – la préparation de l’aînée à la première communion – va bouleverser la vie familiale.
Julien est alors coiffeur, responsable d’un grand salon niçois. «Le dimanche, c’est le seul jour que j’ai avec ma femme et mes enfants, vous ne croyez pas que je vais le passer avec vous?», assène-t-il à une sœur de la Famille missionnaire de Notre-Dame leur demandant de participer à une journée. Si lui, fatigué, craque le jour venu et retourne à la maison avec Romain, Karen revient le soir en pleurant, touchée notamment par la visite de l’église Saint-Joseph. «Je pense qu’elle a rencontré le Christ à ce moment-là. Elle a ressenti le besoin d’aller à la messe le dimanche matin, ce qui pour moi était inconcevable.»
Des bancs du fond au service à l’autel
La messe dominicale s’inscrit dans l’agenda hebdomadaire de toute la famille. Pour Julien, il était impensable de rester à la maison, de ne pas vivre ce moment ensemble. Dans un premier temps, c’est sans envie qu’il accompagne épouse et enfants. « On était au fond de l’église, puis on s’est rapprochés puisque Romain le voulait. Dans la paroisse, Karen a aussi cheminé avec une équipe de femmes, elle a avancé d’une façon fulgurante dans l’appréhension de la Parole de Dieu. » Lui finit par s’adoucir. À la fin d’une messe, il dit à son épouse avoir été bousculé par l’Évangile et l’homélie du curé – « J’ai pris un aller-retour évangélique. » –, il commence à se poser des questions. Et quand le père André lui propose de venir servir à l’autel, il accepte à une condition : ne pas mettre de « robe ».
Finalement, aube sur le dos, il apprend, se forme aux côtés du diacre Claude Philippot et du père Castro : cruciféraire, céroféraire, thuriféraire… « Franchement, ç’a été un plaisir. Et, petit à petit, c’est moi qui voulais arriver en avance dans la sacristie pour tout mettre en place. » Karen et Julien décident de préparer leur confirmation, accompagnés par le diacre et son épouse Jacqueline ; sacrement qu’ils reçoivent le 7 juin 2014. Un mois avant, Julien a fait sa première communion.
Une famille
Donc en 2015, autour d’une table au restaurant, le père Castro leur demande de réfléchir au diaconat, de prier pour cela. «À la paroisse, Karen faisait le caté et l’éveil à la foi. Moi j’étais content de mon service du dimanche matin.» Mais ils laissent cette invitation sans réponse car, à leurs yeux, le diaconat, «c’est pour les vieux» : ils associent ce ministère au diacre qu’ils connaissent, le retraité Claude Philippot. Relancés quelques mois plus tard par leur curé, les doutes liés à l’âge levés, ils décident de porter ce projet dans la prière à la sainte Famille… et d’y aller.
2017-2018, l’année de propédeutique, année de discernement, est tout d’abord déstabilisante. Julien ne se sent pas à sa place au milieu de gens «nés dans un bénitier» ; certains sont membres de la Communauté du Chemin Neuf ou d’une Maison d’Évangile… «Et moi je sors d’un stade de foot.» Sentiment d’infériorité, et pourtant : «L’année s’est super bien passée. J’ai toujours eu ce truc d’aller vers les autres et j’ai rencontré des gens fantastiques.» Surtout, il se reconnaît dans la notion de service, dans cette mission qui leur est présentée, «tous les pôles pastoraux, la prison, la santé, les funérailles… Donc en avant pour les six ans de formation!» Une formation initiale qu’Éric et lui, aujourd’hui diacres, poursuivent encore durant deux ans. «C’est génial parce qu’il y a une vraie interaction, et des temps axés sur le rôle du diacre.»
«Avant mon institution (aux ministères de lecteur et d’acolyte, ndlr), en 2023, en allant dans la famille de Karen en Saône-et-Loire, nous avons fait une halte à Paray-le-Monial: un moment de prière dans la chapelle des Apparitions, devant la Sainte-Vierge pour Karen, devant le Christ rédempteur pour moi. J’entends: “Viens mon enfant, je t’attends.” Je sors en sanglots et ne peux plus parler. C’est le signe que nous attendions pour continuer vers le diaconat.»
Julien est fils unique. « Je dis souvent que ce parcours diaconal et l’Église m’ont donné plein de frères et de sœurs. C’est ma famille ! J’y ai trouvé une fraternité, un amour, c’est exceptionnel. On sent qu’on est unis par le Christ. » Il n’oublie pas les paroissiens qui, par une parole ou un geste, le font avancer. « Je crois qu’on doit se convertir tous les jours et moi, tous les dimanches, ces gens-là m’aident à me convertir toujours un peu plus. »