« Depuis l’an 2000 et surtout depuis 2016, tous vous entendez parler d’agressions sexuelles commises par des prêtres à l’encontre d’enfants ou de jeunes. Comme vous, nous avons honte pour notre Église. Vous vous sentez blessés dans votre confiance en elle. Vous continuez vos engagements de foi. Vos réactions sont diverses ! Vous comprenez que les évêques en parlent, réfléchissent à la manière d’accueillir au mieux les personnes victimes et d’agir envers les coupables… Vous avez entendu parler de la Commission indépendante mise en place par les évêques et la Conférence des Religieux et religieuses de l’Église de France (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, CIASE), confiée à M. Jean-Marc Sauvé et chargée d’enquêter sur ces faits, d’analyser la manière dont ils ont été traités et d’évaluer l’action de l’Église, notamment depuis les années 2000.

Au cours de notre Assemblée ordinaire de fin mars, nous avons pris des décisions importantes que nous voulons ici vous exposer. Elles complètent ou s’articulent avec celles que des diocèses, selon leur histoire et leurs possibilités, ont déjà prises. »

Retrouvez ici en intégralité la lettre des évêques de France aux catholiques sur la lutte contre la pédocriminalité

Retrouvez également ci-dessous ce courrier des évêques de France adressé aux prêtres, le 25 mars de Lourdes

Chers frères prêtres,

Les agressions sexuelles commises par des prêtres sur des enfants ou des jeunes dévoilées depuis l’an 2000 et dans des proportions inattendues depuis 2016 ont bouleversé l’atmosphère dans laquelle nous exerçons notre ministère au service du peuple de Dieu. Vous portez ce bouleversement silencieusement, le plus souvent. Vous le portez courageusement aussi, en veillant à accomplir au mieux votre mission, sans vous laisser arrêter par des regards éventuels de suspicion ou de dégoût.

Le dégoût, vous l’éprouvez vous-mêmes en tant qu’êtres humains lorsque vous découvrez la maltraitance que subissent des enfants et des jeunes. Que des prêtres aient pu en être la cause, vous remplit de colère ou vous laisse abasourdis, au risque de vous désespérer. Certains d’entre vous se souviennent de ce qu’ils ont eux-mêmes subi dans leur enfance. La destinée de vos frères prêtres mis en cause, jugés, condamnés vous inquiète, vous fait réfléchir ou supplier… Le suicide de plusieurs d’entre eux a été pour beaucoup un choc dont les effets perdurent. Avec vous, nous essayons de surmonter ces sentiments mêlés, dans la prière et la confiance renouvelée au Christ Seigneur qui vous a appelés malgré nos faiblesses et dans nos faiblesses mêmes.

Nous sommes conscients de ce que vous pouvez éprouver et nous voulons vous exprimer aujourd’hui notre proximité. Depuis 2016, vous avez parfois appris par les médias les décisions que nous prenions ou que nous ne prenions pas, vous entendiez parler des réflexions que nous menions, des groupes de travail que nous lancions, des rencontres que nous vivions, alors que vous n’y participiez pas. Sachez cependant que les réflexions que vous avez menées dans les diocèses ont nourri nos travaux.

A l’approche des Jours Saints et de la Messe chrismale, alors que vous vous apprêtez à renouveler vos promesses sacerdotales, nous souhaitons nous adresser spécialement à vous pour vous dire notre confiance,
– dans le ministère apostolique auquel le Christ Seigneur, Tête de son Corps, nous a donné part pour la vie du monde et pour la gloire de son Père ;
– dans votre fidélité personnelle au Christ et à l’amour qu’il porte envers ceux et celles auxquels il vous envoie ;
– dans votre désir ardent de suivre le Christ humble, pauvre, chaste et obéissant.

L’assemblée extraordinaire des 22-24 février de cette année a été un moment intense et déterminant. Ainsi lors de notre assemblée plénière ordinaire des 23-26 mars, nous avons adopté des résolutions qui nous engagent pour l’avenir et que nous prenons devant Dieu. Au terme de notre session, nous avons écrit aux fidèles, c’est-à-dire à vous aussi, pour exposer ce que nous avons découvert et compris, pour exprimer notre honte, pour demander pardon. Dans cette lettre aux fidèles, nous expliquons les engagements que nous prenons pour le bien de toute l’Église. Cette lettre, nous vous la confions. Nous comptons sur vous pour la distribuer dans vos paroisses et dans vos différents ministères. Nous voudrions qu’elle vous permette de ne pas être seuls face aux questions directes ou muettes de ceux et celles à qui vous êtes envoyés. Des moyens seront mis à votre disposition pour vous y aider.

Les personnes victimes qui témoignent des actes subis et de ce qu’elles ont vécu depuis nous aident. Elles nous obligent à voir ce que notre Église transportait en elle, sans le savoir ou sans accepter de le voir. Nous recevrons fin septembre, avec la CORREF (Conférence des religieux et religieuses de France) le rapport demandé à la CIASE. Il nous permettra de mieux comprendre ce qui s’est passé.

Nous sommes appelés à traverser ensemble cette crise, à en garder mémoire, pour relancer la mission de l’Église avec plus de lucidité, d’humilité et de foi. La nouvelle ratio nationale des Séminaires renouvellera nos formations initiales et continues. Nous évaluerons à nouveau nos modes d’exercice du sacerdoce ministériel et des pouvoirs qui nous sont ainsi confiés, et nous le ferons ensemble, dans la joie profonde de servir l’Envoyé du Père, le Fils bien-aimé.Vous assurant de notre prière et de notre volonté de travailler avec vous pour franchir les étapes qui se présentent à nous, nous vous disons, chers frères prêtres, notre estime fraternelle dans le Christ dont nous nous préparons à célébrer la Résurrection.Les évêques de France