C’est dans trois lieux du diocèse de Nice que le chanoine Jean-Marie Tschann a fêté son jubilé d’or, cinquante ans de sacerdoce, au début de l’été 2022: samedi 25 juin au sanctuaire Notre-Dame de Laghet à La Trinité, vendredi 1er juillet à la cathédrale Sainte-Réparate à Nice, et samedi 2 juillet au village de Saint-Étienne-de-Tinée. Il nous dit la place qu’ils tiennent dans sa vie.

Sanctuaire Notre-Dame de Laghet: un lieu choisi en accord avec le père Henri Toche qui, cinquante ans plus tôt jour pour jour, était ordonné prêtre en l’église Notre-Dame de Bon Voyage à Cannes, une semaine avant l’ordination à Nice du père Tschann.

«Je crois que pour Henri comme pour moi, et pour beaucoup de prêtres de Nice, le sanctuaire de Laghet est un lieu familier où l’on va pour des temps de pèlerinage, pour des rencontres diocésaines; à un moment, les retraites de prêtres se faisaient à Laghet. Donc, on y a tous des souvenirs.

Surtout, pour les Niçois d’origine, c’est un lieu important, c’est notre petit Lourdes. Quand je suis né, le 1er août 1944, il y avait les bombardements à Nice parce que les Américains préparaient le débarquement du 15 août en Provence. Alors ma mère, quand elle m’attendait, avait fait le vœu que, si on s’en sortait vivants, elle m’amènerait à Laghet en poussette en partant à pied de La Trinité, comme on le fait souvent pour des pèlerinages à Laghet. Donc, c’est ce qu’elle a fait avec une autre personne de la famille – je devais avoir un ou deux ans. Elles sont montées en me poussant.

Puis j’y suis allé, par exemple, pour les examens, pour le bac ou le concours d’HEC (rires) pour demander de réussir, enfin… pour demander le courage de bien travailler. En plus, j’ai passé douze ans à Laghet, d’abord à mi-temps comme professeur, puis dix ans comme recteur à plein-temps. Le sanctuaire accueille beaucoup de gens, il y a une bonne collaboration avec les sœurs bénédictines de Montmartre, c’est une bonne expérience. Le 25 juin, ça me faisait plaisir que les sœurs, les familiers de Laghet, puissent être là.»

Cathédrale Sainte-Réparate: l’église diocésaine, l’église de l’évêque; là où le père Jean-Marie Tschann a été ordonné prêtre, le même jour que l’ordination diaconale de Jean Gautheron.

«À mon époque, les ordinations se faisaient plutôt dans la paroisse d’origine. Mais moi, j’ai choisi la cathédrale parce que ma paroisse d’origine c’est Saint-Pierre d’Arène où je suis peu allé dans ma jeunesse. Comme j’étais à Stanislas, j’ai tout fait là-bas: première communion, profession de foi, confirmation. Ça me faisait plaisir d’être ordonné à la cathédrale. En 1969, j’y ai été tonsuré en même temps que Bernard Barsi était ordonné prêtre; l’évêque nous coupait quelques mèches de cheveux, puis on se mettait à genoux, on disait: ‘Seigneur, tu es mon partage et ma coupe, c’est toi qui garantis mon lot’, paroles du psaume 15; puis, il nous revêtait du surplis par-dessus la soutane. Mais à Saint-Pierre d’Arène, j’ai dit ma première messe.

Du jour de mon ordination, je me rappelle tous les gens qu’il y avait, dont certains sont morts, mes parents, les grands-mères ou la tante – le jubilé a été une façon de prier pour eux. Certains sont toujours vivants, ma sœur, mon frère, etc. Puis, il y avait des collègues qui étaient venus de Paris, puisque j’avais été quatre ans à Paris, des amis du séminaire…»

Saint-Étienne-de-Tinée: le village qu’enfant et adolescent le père Jean-Marie Tschann a arpenté durant l’été, avec sa sœur et son frère dont il est l’aîné.

«Comme mes parents étaient occupés par l’hôtel, ils nous expédiaient chez les grands-parents Rovery, du côté de ma mère. On passait deux mois et demi là-haut puisqu’à l’époque on rentrait à l’école le 1er octobre; en général, on montait vers le 15 juillet jusqu’à la fin septembre. Il y avait, au milieu de l’été, la fête patronale et sa procession avec la statue de Saint-Étienne; le 15 août, la procession de la statue de la Vierge; puis des petites processions pour les chapelles des pénitents parce que, là-haut, toutes les familles sont ou bien pénitents noirs ou bien pénitents blancs; les enfants, ceux qui veulent, on peut les habiller en pénitent. Alors moi ça me plaisait beaucoup d’être habillé en pénitent noir et de porter le «fanau» (une lanterne, ndlr); il y avait la croix puis les deux fanaux à côté… Ces moments passés à Saint-Étienne, enfant et adolescent, ont joué sur ma vocation.

À travers ça, je pense que, comme le village était très pratiquant, c’était le témoignage de foi de toute une population. L’abbé Ravanel qui était vicaire – il venait de Savoie – avait dit, ce devait être dans les années cinquante: «Dans le village, ceux qui n’ont pas fait leurs Pâques, ceux qui ne sont pas venus se confesser pour communier après, il y en a moins que les dix doigts de ma main.» Ç’a changé malheureusement. Mais c’était vraiment un village très chrétien, qui a donné pas mal de prêtres. Quand j’ai fait une de mes premières messes à Saint-Étienne, il y avait douze prêtres invités originaires du canton, deux n’avaient pas pu venir.

Quand j’étais séminariste, j’ai participé à des camps pour les jeunes avec les pères Donadei et Barsi. Chaque été, les prêtres de la montagne se mettaient d’accord. Ils faisaient un camp de jeunes qui durait quinze jours. Une année on est allés à Sion dans le Valais en Suisse, une autre année à Sainte-Marie-aux-Mines en Alsace – et on a fait un tour en Bavière –, une autre année à Sainte-Anne-d’Auray en Bretagne où je me suis aperçu qu’il y avait des jeunes de la montagne qui ne savaient pas nager; à l’époque, il n’y avait pas de piscine à Saint-Étienne-de-Tinée.

J’y retourne encore chaque été, moins longtemps, pendant une semaine.»

Propos recueillis par Denis Jaubert

A lire dans Église des Alpes-Maritimes n°104 (novembre 2022) le témoignage du chanoine Tschann sur ses cinquante ans de sacerdoce.