Bref historique d’un territoire entre France et États de Savoie
De nos jours, le diocèse de Nice correspond aux limites géographiques du département des Alpes-Maritimes, à l’exception de l’archipel lérinien. Ce territoire diocésain, riche de son passé multiséculaire, est le résultat de nombreux remaniements liés à l’histoire politique et religieuse de la France et des États de la Maison de Savoie. Écrire son histoire, c’est retracer les aléas frontaliers et les changements de souveraineté du comté de Nice en intégrant l’héritage culturel des diocèses d’Ancien Régime (Antibes-Grasse, Vence et Glandève) ainsi que des actuels diocèses de Vintimille et Monaco dont les territoires ont durablement marqué les hommes et les mentalités.
Des origines à la Révolution française
La christianisation du diocèse de Nice est attestée dès le IVe siècle par la coexistence de communautés chrétiennes structurées, l’une sur l’acropole de Nice (actuelle colline du château) et l’autre dans l’ancienne cité romaine de Cimiez (Cemenelum).
La présence du diacre Innocentius, ex portu Nicaensi, lors du concile d’Arles en 314, et celle de l’évêque Amantius, au concile d’Aquilée en 381, apparaissent comme les premières mentions de l’Église de Nice. À l’intérieur des terres, l’évêché de Cimiez semble se constituer quelques années plus tard sous l’épiscopat de Valérien (439-455). Appartenant à une famille de la noblesse gallo-romaine, saint Valérien est connu grâce à un ensemble de vingt homélies. De plus, l’archéologie a permis de mettre à jour un groupe épiscopal comprenant une basilique, un baptistère, des thermes et la demeure de l’évêque. C’est vers la fin de l’épiscopat de Valérien que les évêchés de Nice et de Cimiez sont unis par décision pontificale. Seul le diocèse de Nice est maintenu autour du site défensif de la colline du château, seul lieu adapté pour résister aux invasions que va connaître le pays niçois au cours du Moyen Âge.
Les fouilles archéologiques nous permettent aujourd’hui d’identifier clairement les fortifications médiévales de la ville haute ainsi que la première cathédrale de Nice, établie sous le vocable de Sainte-Marie. Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle, alors que le développement urbain de Nice se concentre au pied de la colline du château, qu’une nouvelle cathédrale est construite sur l’emplacement d’une ancienne chapelle dédiée à sainte Réparate. Placée sous ce même vocable, la cathédrale est consacrée le 3 mai 1699.
À l’époque moderne, le diocèse de Nice comprend à peine les deux tiers du Comté soit un territoire ayant pour frontière orientale les territoires de Monaco et de la Turbie puis, en montant vers le nord, les paroisses de l’Escarène et de Lucéram, les vallées de la Vésubie, de la Tinée ainsi que la basse vallée du Var. Il reste suffragant de la métropole d’Embrun jusqu’en 1792.
Nice française (1792) et le Concordat (1801)
L’entrée des troupes révolutionnaires dans le comté de Nice en septembre 1792 marque un nouveau changement de souveraineté. Nice devenant française, le diocèse entre dans le giron de l’Église de France. Pour mettre fin à la crise religieuse ouverte par la Révolution, cette dernière se réorganise en 1801 dans le cadre du concordat établi de façon bilatérale entre Bonaparte et Pie VII. La carte des diocèses français est redessinée par une nouvelle répartition des circonscriptions ecclésiastiques. De nombreux évêchés du sud-est sont supprimés (Grasse, Vence, Senez, Fréjus et Glandève) au profit de la métropole aixoise et de Nice. Le diocèse est notablement agrandi à l’ouest d’une quarantaine de paroisses de l’ancien diocèse de Glandève et, à l’est, aux dépens du diocèse de Vintimille, des paroisses de la rive droite de la Taggia ainsi que les territoires de Menton et Roquebrune. Les anciens diocèses de Grasse et de Vence sont rattachés à l’archidiocèse d’Aix jusqu’en 1823, date du rétablissement du diocèse de Fréjus. La disparition de la métropole d’Embrun rattache Nice à l’archevêché d’Aix jusqu’en 1814.
Restauration sarde (1814)
L’abdication de Napoléon et la chute du Premier Empire permettent le retour du comté de Nice dans le giron de la Maison de Savoie en mai 1814. L’administration piémontaise réorganise alors la division de Nice (comprenant les provinces de Nice, San Remo et Oneille) en intégrant les anciens cantons de Perinaldo et de Pigna à la province d’Oneille. Cette restructuration transfère les paroisses correspondantes sous la juridiction de l’évêque de Vintimille. Séparé de la France, le diocèse devient suffragant de la métropole génoise. En 1831, pour des raisons de commodité pastorale, le diocèse de Vintimille absorbe les paroisses de la vallée de la Nervia par décret de Grégoire XVI.
Annexion du comté de Nice à la France (1860)
L’aide apportée par Napoléon III à Victor-Emmanuel II dans le processus de l’unité italienne a pour monnaie d’échange les provinces historiques de Nice et de la Savoie. L’entrée de ces territoires redessine une nouvelle fois la frontière entre la France et le Piémont ainsi que les limites du département des Alpes-Maritimes. Le comté de Nice étant trop petit pour constituer un département à part entière, le Second Empire lui adjoint un arrondissement du Var, celui de Grasse, pour former la nouvelle entité administrative. En mars 1861, la nouvelle frontière entre les deux états est établie en laissant du coté piémontais les communes de Tende et La Brigue ainsi que les parties septentrionales des vallées de la Tinée, de la Vésubie et du Val de Blore. C’est à partir de cette frontière politique et administrative que les limites diocésaines sont mises en conformité.
Du côté nord-oriental, le Saint-Siège détache du diocèse de Nice les paroisses restées en Piémont (La Brigue, Morignole, Realdo, Carlino, Fraggia, Upega, Tende, Granile, Mollières, Bouseyas et le Prat) et les incorpore aux diocèses de Cuneo et de Vintimille. Or, Bouseyas et du Prat sont détachées par erreur alors qu’elles sont situées dans le département des Alpes-Maritimes. Il faut attendre le rectificatif romain de 1863 pour que les limites du diocèse de Nice correspondent avec la frontière séparant la France de l’Italie naissante.
Du coté occidental, le pays grassois, fraichement intégré aux Alpes-Maritimes, reste sous la juridiction religieuse de Fréjus-Toulon. Le territoire départemental des Alpes-Maritimes se retrouve à cheval sur deux diocèses; le fleuve Var devenant une “frontière religieuse” après avoir été une frontière politique et administrative. Cette situation, pour le moins originale, va exister jusqu’en 1886.
Rattachement ecclésiastique de l’arrondissement de Grasse (1886)
Profitant d’une vacance du siège épiscopal de Fréjus-Toulon, le Saint-Siège détache l’arrondissement de Grasse de son diocèse d’origine pour l’agréger à celui de Nice. Rome régularise également le territoire mentonnais de Garavan qui, bien que français depuis 1860, était resté rattaché à Vintimille sur le plan ecclésiastique. Depuis cette date, les limites du diocèse coïncident avec celles du département des Alpes-Maritimes, à l’exception des îles de Lérins.
Rattachement de la haute vallée de la Roya (1947)
Le traité de Paris du 10 février 1947, sanctionnant les vaincus de la Seconde Guerre mondiale, ampute l’Italie des territoires de Tende et La Brigue au profit de la France. Les paroisses afférentes (Tende, La Brigue, Piene et Libre) sont alors détachées du diocèse de Vintimille et Mollières du diocèse de Cuneo pour entrer dans le diocèse de Nice. Le sanctuaire Notre-Dame des Fenestres, faisant partie depuis 1860 du territoire italien d’Entraque mais placé sous la juridiction religieuse de la paroisse de Saint-Martin de Lantosque, retourne également à la France.
Notre diocèse depuis le concile Vatican II
La modernité de la seconde moitié du XXe siècle à Nice prend ses origines dans les années 1960 où des ruptures dans les domaines institutionnel, sociétal et ecclésial viennent bousculer l’ordre établi. Tout d’abord, une rupture institutionnelle avec la disparition de deux personnages emblématiques de la société d’après-guerre: l’évêque, Mgr Rémond, en 1963, et le maire, Jean Médecin, en 1965. Puis sociétale, avec l’essor économique et démographique de la Côte d’Azur qui va modifier la composition sociologique de la population. Enfin, une rupture ecclésiale, par l’application du Concile dans un diocèse où l’identité et les traditions sont particulièrement vivaces, cent ans seulement après avoir rejoint le giron de la France.
Annoncer l’Évangile sur la Côte d’Azur…
L’annonce de l’Évangile –telle que le Concile l’a redéfinie– doit donc s’adapter à un diocèse disparate. En effet, le dépeuplement des vallées du haut pays contraste avec le littoral devenu une terre d’accueil cosmopolite: aux rapatriés d’Afrique du nord s’ajoutent de nombreux retraités et touristes attirés par le climat qu’offrent les bords de la Méditerranée. Pour tenter de faire coïncider les structures pastorales avec l’évolution de la population, le diocèse engage plusieurs réformes territoriales de 1963 à 1997. À ce déséquilibre démographique s’ajoute les difficultés de toutes sortes que connait l’Église de France dans les années d’après-Concile. En effet, au-delà des tensions qui existent dans la société après les événements de Mai 68, l’Institution est confrontée à une crise sans précédent du recrutement sacerdotal. La recherche de la diversité des ministères amène les pères du Concile à s’engager dans la voie du diaconat permanent et donne une place sans précédent à l’apostolat des laïcs. Dans le même esprit, l’Église diocésaine s’efforce de répondre aux enjeux de son époque et aux spécificités de son territoire: mise en place d’une pastorale adaptée au tourisme de masse durant la période estivale, d’une coopération missionnaire avec le jumelage du diocèse de Diébougou en Haute Volta et de relations privilégiées avec les chrétiens et les autres religions.
Le tournant des XXe et XXIe siècles est marqué par deux événements déterminants pour l’avenir de l’Église catholique dans les Alpes-Maritimes: la réforme territoriale et pastorale de Diocèse 2000 et le synode diocésain (2007-2009). Tous deux manifestent la vitalité d’une Église qui, au cœur du monde, honore les missions qui lui sont confiées.
La réforme de Diocèse 2000 voulue par Mgr Saint-Macary dès 1997 aboutit, après trois années de réflexion, à la promulgation d’une charte d’évangélisation en octobre 2000. Quarante-cinq nouvelles paroisses redessinent la carte diocésaine où chaque chrétien est invité à mettre en œuvre l’esprit de la lettre pastorale Évangélisation 2000 dans les Alpes-Maritimes de Mgr Bonfils. Sept ans plus tard, dans la continuité de cette démarche ecclésiale, Mgr Sankalé convoque un synode en 2007. Les fidèles sont invités à s’exprimer en grand nombre et font l’expérience de la rencontre et du débat. Les propositions regroupées autour de trois grands thèmes, «prier, témoigner et servir» apparaissent comme la feuille de route du diocèse pour les années à venir.
Histoire et identité d’une terre de contrastes
Plus de deux années de travail, 18 collaborations et 380 illustrations dont 21 cartes inédites ! Découvrez ICI ce magnifique ouvrage, paru en novembre 2015, retraçant l’histoire du diocèse de Nice, de la fin du IIIe siècle jusqu’à la Pentecôte 2009. Sous la direction de Gilles Bouis, archiviste et bibliothécaire diocésain.
Sainte Réparate, patronne de la ville de Nice et de tout le diocèse
Évoquer la vie et la passion de Sainte Réparate oblige l’historien à s’appuyer sur la tradition et l’autorité de l’Église en la matière. Fêtée le 8 octobre (propre du diocèse de Nice et martyrologe romain), sainte Réparate aurait vécu sous le règne de l’empereur Dèce (249-251), en Palestine, et plus précisément à Césarée, petite ville de la côte méditerranéenne. Âgée de 12 ou 15 ans, disciple du Christ, elle est martyrisée au nom de sa foi. La tradition niçoise raconte que son corps décapité est arrivé de Palestine dans une barque en dérivant au gré des flots. L’embarcation s’échoua sur le rivage accompagné par des anges d’où le nom éponyme de la baie de Nice. Au-delà de la tradition et du symbole, c’est toute la question de l’expansion du christianisme en Europe occidentale qui peut se lire en filigrane de cette épopée. Le contemporain doit voir dans ce récit hagiographique la volonté de fonder historiquement l’existence d’une Église particulière en s’appuyant sur la foi des martyrs.